Samedi 31 octobre 14h30, J-2 pour mon anniv (il n’est pas trop tard
pour me poster vos cadeaux). Pour fêter ça, direction the Honda’s house
(ze ondasouse en français).
Empli d’allégresse, je franchis la porte de la concession d’un air
conquérant comme Attila le Hun les champs catalauniques, le carrelage
ne repoussera plus jamais sous mes pas.
Où sont les donzelles ? Je n’ai pas à chercher loin, elles
rutilent de leurs peintures neuves, ça tombe bien, je vais faire valoir
mon droit de vernissage.
Affichés sur les murs, je retrouve leurs posters en 4 mètres par
3, on se croirait dans un numéro de Playbike, vous savez celui avec le
poster central. A cette vue, mes pulsions onanistes se ravivent
douloureusement.
Zut, le patron qui m’avait assuré de maints essais est aux prises
avec un client qui vient lui acheter une bécane ! Il est occupé à cet
art difficile qui consiste à s’octroyer une marge royale tout en
faisant croire au quidam en face de lui qu’il se saigne aux 4 veines et
met sa concession en péril financier pour s’assurer de ses bonnes
grâces.
En attendant qu’il ait fini son numéro d’équilibriste, je fais
mine de m’intéresser aux équipements exposés, le cercle de mes pas
commence à atteindre la dalle en béton qu’il n’a toujours pas fini.
Lui, je ne vais pas le laisser tomber, il m’a promis la CBF 600,
la CBF 1000 et la CB 1000R. Avec un tel plat de roi, il va me retrouver
collé à la vitre de sa concession comme une mouche sur une poubelle
fraîche.
C’est à ce moment que j’entends une petite voix surgir des rayons.
« Je peux faire quelque chose pour vous, monsieur ? ». Qui que tu sois
belle inconnue, et comment que tu peux ! J’aimerais essayer une moto !
Laquelle voulez-vous ?
Hmm, par laquelle commencer ? Je les regarde au plus profond de
leurs phares, les CBF se tiennent sagement dans les coins du ring,
seule la CB 1000R m’aguiche de son feu à led. « Tu montes, chéri ! Je
vais te faire le grand jeu, la toupie modalve, le pétafineur de
schmilbruck, la brouette javanaise, l’escargot en folie, le … Bon OK,
ce sera la CB 1000R d’autant plus que c’est gratuit.
Eh bien, disons que je vous la passe pour 30 minutes, ça vous va ?
Quoi, mais que voulez vous que je fasse en si peu de temps ? Nous
aurons à peine achevé les préliminaires et encore si j’oublie le pot
d’échappement.
Je sonde la vendeuse de mon regard le plus perçant, je passe de ses
pupilles à sa petite culotte via le gros colon. Elle est à ma portée,
je tente mon œillade 42 bis, la larme au bord de l’œil, les oreilles
tombantes tel le cocker affamé, la truffe humide, la langue pendant
négligemment au bord de mes lèvres épaisses.
Bon d’accord, je vous la laisse pour une heure maximum. Le samedi,
beaucoup de clients veulent faire des essais et on préfère faire
tourner, vous comprenez ? Je ne comprends rien mais ce n’est pas grave,
j’ai obtenu ce que je voulais. J’empoche le trousseau de clés avec la
grâce d’un pickpocket sur le marché aux puces.
On me la sort du magasin (la moto, hein !).
Ma CB
1000R cligne du phare, il fait beau, tout est réuni pour une belle
histoire d’amour, le mécano m’explique les commandes principales, et
les clignos, et le démarreur, et le …
Bon, bon, ça va j’ai compris, et les roues, et le guidon, je sais
ce que c’est qu’une moto ! Retourne à tes basses œuvres mécanistiques
et laisse-moi avec ma belle, noble serviteur zélé.
Contact, le magnifique tableau de bord s’illumine, on se croirait
à Noël mais avec un sapin classe, pas celui avec la guirlande de toutes
les couleurs style Barnum Circus, non le sapin sombre avec une
guirlande bleu glacée, slurp !
Le moteur est très discret, tout ce que j’aime, ah ils sont loin
les frères Léo et Vince. La vraie classe, puissance et discrétion, le
genre qui vous arrive par derrière sans que vous ne l’ayez entendue
venir et qui vous cloue sur place.
Quelle beauté, tout me convient, la roue arrière sublimement
dessinée (et pourtant on en a vu défiler des roues depuis la
Préhistoire), la fourche inversée, la face avant qui évoque
immanquablement un robot clone de Star Wars.
Je l’enfourche et enclenche la première, elle se meut tout en
douceur. Je suis le premier étonné, dans mon bestiaire d’adolescent
attardé, la 1000 cm3 est un vieux fantasme, un monstre de puissance
assoiffé de motards qui rugit et éructe à la première rotation de la
poignée, je n’étais donc pas très rassuré à l’idée de l’essayer.
Et là, c’est une douce symphonie qui surgit de son échappement,
une conduite toute en souplesse, le genre gentleman rider. « Do you
want a cup of tea before going to 140 mph ? ».
Pris dans le flot des voitures, je me surprends à les suivre à 2.5
km/h, tranquillement, aussi facilement qu’un équilibriste sur son
monocycle. On ne sent pas son poids, il est parfaitement équilibré
(comme diraient certains psychiatres avant d’appeler les hommes en
blanc).
La boîte est douce et précise sauf la première qui claque un peu
lorsqu’on l’enclenche, aucun à coup que l’on soit en première ou en
sixième, elle repart aussitôt, circuler en ville devient un vrai
plaisir, enfin à 50 km/h, c’est un peu frustrant, un peu comme un
manchot à qui on offrirait des gants.
Ca suffit. Direction la rocade ! Défaillance mécanique sans doute,
j’ai eu beau tirer sur la poignée, la moto accélérait sans cesse, une
forte poussée linéaire qui semblait ne devoir jamais finir.
Et d’ailleurs elle ne finissait pas. Après avoir enroulé toute ma
main autour de la poignée, j’attaquais le bras, puis le coude pour
finir par l’avant-bras.
Et puis mon casque semblait vouloir se décrocher pour passer à la place passager.
Au bout de 6 tours complets, je ressemblais à un tuyau d’arrosage
autour de son support, elle continuait à pousser et j’ai du déclarer
forfait, j’avais passé depuis bien longtemps les vitesses
réglementaires et l’aéroport s’approchant, j’ai eu peur qu’on me donne
l’autorisation d’envol.
Je voulais la dompter mais c’est elle qui m’a eu, pour me venger,
je me suis dirigé vers mon ancienne piste d’auto-école. T’as voulu
faire la maligne ma petite, je vais te faire manger de la
départementale à 90, ça va t’apprendre à vivre. Bon OK, 100-110, c’est
toi qui commande.
En arrivant sur le plateau, je distingue deux de mes anciens
moniteurs et une flopée d’élèves, eh oui, on est samedi. Comme dans les
dessins animés, tous tournent la tête vers ma bestiole d’un seul
mouvement.
Gnarrf, gnarrf, quel vilain plaisir mesquin je me suis fait là,
c’est ma revanche, combien de fois pendant les cours de plateau
avons-nous vu passer des anciens élèves venant faire admirer leurs
nouvelles montures, décrochant nos mâchoires et déclenchant de notre
bave les essuie-glaces de nos pinlocks ?
Quoi déjà 52 minutes passées, je dois la ramener dans les plus
brefs délais sinon le sort disparaîtra et ma superbe CB1000 se
transformera en scooter chinois.
Pris dans un bouchon sur la rocade, c’est avec le plus grand
regret que j’effectue le trajet retour au pas et aborde le parking de
la concession. Je ne la connais que depuis 1 heure et pourtant j’ai
l’impression de l’avoir toujours conduite, c’est la force de Honda,
qu’elle soit avec moi.
Je supplie en indiquant n’avoir pas eu le temps de faire un test
en duo, c’est possible de l’emprunter à nouveau avec Madame ? En
semaine, pas de problème !
Bon vous l’avez compris, bientôt le 2ème round. Et cette fois, il n’est pas certain que je la rendrai.
Edit modo :
Modif titre & rajout photo
Tchuck