Soupçons de conflits d'intérêts sur le marché des éthylotestsPar Gary Assouline le 27/06/2012 à 12:47Le président de l'association I-Test qui a convaincu le gouvernement de rendre obligatoires les éthylotests dans les véhicules en France est également salarié de l'entreprise qui les produit.
Accessoire obligatoire dans les boîtes à gants de toutes les voitures à partir de dimanche 1er juillet, l'éthylotest est-il au cœur d'une affaire de conflits d'intérêts? Selon Sud-Ouest , l'association I-Test, qui a convaincu le gouvernement Fillon en février dernier de la nécessité d'installer cet équipement dans les véhicules, et l'entreprise Contralco qui les fabrique ont en commun un certain Daniel Orgeval. Ce dernier a la double casquette de salarié de Contralco et président de cette association à but non lucratif.
Numéro un européen sur le marché des éthylotests, Contralco détient le quasi-monopole en France avec 90% de la production, selon lequipement.fr qui révélait l'affaire dès mars. Cette PME de l'Hérault est également le fournisseur officiel de la police et de la gendarmerie qui mobilisait jusqu'alors 35% de son activité. Quant à l'association I-Test créée en juin 2011, elle a réussi en huit mois seulement à faire transformer sa proposition en décret, publié le 1er mars dernier au Journal officiel .
«C'est du lobbying»La Ligue de défense des conducteurs (LDC) accuse ainsi I-Test et Contralco de conflits d'intérêts. «C'est un scandale» pour la secrétaire générale de la LDC, Christiane Bayard. «On aurait pu croire que cette association regroupait des familles de victimes ou bien des bénévoles désintéressés, et l'on découvre en fait que son président n'est autre que le représentant des fabricants d'éthylotests. Ce monsieur a réussi un coup de maître en garantissant à sa boîte un marché juteux de plusieurs dizaines de millions d'euros.»
Daniel Orgeval, responsable de la formation dans l'entreprise, s'est défendu de toute démarche illégale. «Nous sommes force de proposition. C'est comme ça qu'il faut l'entendre, a-t-il déclaré sur Europe 1. Si c'est du lobbying? Moi je dis oui. On fait du lobbying pour la sécurité routière. On fait du lobbying pour les usagers. On fait du lobbying pour les industriels. Surtout si ça permet de ne pas délocaliser une entreprise française et que ça permet de créer des emplois. Eh bien, tant mieux.»
Le directeur marketing de Contralco, Guillaume Neau, reconnaît qu'il ne «crache pas sur les conséquences commerciales du décret». Il se dit par ailleurs victime «d'un tissu de mensonges orchestré par la Ligue de défense des conducteurs, une association obscure qui appelle aux dons, mais qui n'a même pas déposé ses statuts en préfecture» et envisage de porter plainte pour diffamation.
Pour Chantal Perrichon de la Ligue contre la violence routière, l'éthylotest n'est obligatoire que pour «enrichir ses promoteurs». «Ils ont utilisé leur carnet d'adresses et ils ont réussi leur coup et ne peuvent que s'en féliciter, s'insurge Chantal Perrichon sur Europe 1. Mais les 37 millions de conducteurs obligés d'acheter un éthylotest chimique qui ne servira à rien, eux, peuvent déplorer l'incapacité des pouvoirs publics à faire de bons choix.»
L'ancien ministre des Transports Dominique Bussereau a tenu à commenter l'affaire dans une déclaration plus nuancée. «La Ligue de défense des conducteurs a beau être composée de gens primaires et désagréables, je trouve très choquant que le président de l'association en faveur des éthylotests soit également employé de l'entreprise qui les fabrique», rapporte Sud-Ouest.
Source : Le Figaro